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LA PIE VOLEUSE de Robert Guédiguian

Pour son 42ème film Robert Guédiguian revient chez lui dans le quartier de L’Estaque à Marseille et nous livre l’un de ses plus beaux long-métrages. Une poésie douce-amère sur la vie de tous les jours dans la veine de son cinéma familial, social et optimiste, qui confronte cette fois-ci des jeunes à des personnes en perte d’autonomie, une famille modeste à l’autre mieux lotie.

LA PIE VOLEUSE de Robert Guédiguian /France, 2024, 1h41. Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan.

Critique de Patrick Lauras, SIGNIS France

On ne viendra pas chercher une grande surprise scénaristique, le cinéma de Robert Guédiguian en offre rarement du reste. Mais plutôt une galerie de personnages qui portent le soleil au fond d’eux-mêmes, et cela simplement fait du bien. Il aime ses acteurs, avec lui ils n’ont pas besoin de jouer : ils sont eux-mêmes, déroulant une histoire qui pourrait être la leur, nous entraînant naturellement avec eux malgré leurs défauts – aucun ne sera épargné ! Quatre couples esquissés en quelques plans, dont les destins se croisent, s’opposent ou se répondent. S’il flirte avec quelques clichés c’est toujours sur une ligne humoristique assez fine.

Maria, 70 ans environ, continue à travailler comme assistante de personnes âgées à domicile. Elle est familière et généreuse à leur égard. Il y a sans doute autant de naïveté que de bonté en elle, et c’est autour d’elle que va se nouer le drame, car la  »pie voleuse » n’est est pas à son premier forfait. Ariane Ascaride livre ici l’un de ses meilleurs rôles. Son mari Bruno ne touche qu’une retraite insuffisante qu’il dilapide dans le jeu. Tous les ingrédients d’une crise sont là, qui n’adviendra pas cependant car la chaleur humaine et la tendresse sauvent ce couple. Gérard Meylan nous surprend toujours avec sa faconde méditerranéenne, ses réparties sans pareilles – le film tient autant de la comédie que du drame.  Naïveté si l’on se réfère à ce que le cinéma nous offre souvent, optimisme réaliste si l’on considère la vraie vie.

Leur couple fait écho à un autre dans le grand âge et dépendant, pourtant traversé par la grâce. Elle n’a plus sa raison, ne pensant qu’à André, l’homme aimé parti pendant la guerre. Lui, reste fidèle et pardonne, visage d’un amour agapè. Image d’un consentement qui permet de rester heureux jusqu’au bout, qu’il nous est donné de simplement contempler. Prendre soin de l’autre, c’est sans doute ce qui traverse ce film. Malgré ses délits, Maria trouve une juste place dans le service.

Un conte bien trop moral pourrait-on dire alors ? Que nenni bien sûr, Robert Guédiguian n’oublie pas son plaidoyer pour la justice, dans une pensée ici teintée d’anarchisme puisque voler apparaît légitime si c’est dans le besoin. Le propos n’est pas militant, jouant sur l’empathie du spectateur, à chacun de prendre position. Il avance également le droit au superflu, au plaisir d’une douzaine d’huîtres ou à la beauté de la musique.

Et, comme à son habitude, il dépeint en contrepoint un couple aisé qui lui n’a pas le soleil au cœur, les affaires obligent. Ceux-là oublient que servir n’est pas  »décider à la place de l’autre ». Un rappel utile s’agissant du soin aux plus âgés. Cependant réticence de Guédiguian au monde de l’argent ne s’applique pas aux personnes. Le hasard des rencontres peut tout faire basculer, fusse cela un brin amoral. Le finale rappelle qu’il n’y a qu’un combat en définitive, celui de la bienveillance.

Les images ensoleillées et la vue de la mer nous habitent longtemps après avoir quitté la salle. 

Patrick Lauras

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