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SEPTEMBRE SANS ATTENDRE de Jonás Trueba

Présenté à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2024, le film nous offre une réflexion douce-amère sur la fin d’une relation amoureuse, teintée de mélancolie. Jonás Trueba orchestre cette histoire avec une maîtrise et une fluidité remarquables en réitérant sans cesse l’annonce de la séparation pour remettre le couple à l’épreuve de leur amour.

SEPTEMBRE SANS ATTENDRE de Jonás Trueba. Espagne/France, 2024,1h54. Avec Itsaso Arana, Vito Sanz, Andres Gertrudix.

Critique de Philippe Cabrol, SIGNIS France

Après quatorze ans de vie commune, Ale réalisatrice, et Alex comédien, décident de mettre un terme à leur histoire. C’est la fin de l’été, on les découvre en train d’évoquer tranquillement leur séparation. On n’en connaîtra pas les raisons. Le film est centré autour de l’annonce de leur séparation à la famille, aux amis, et de façon plus surprenante au voisin et même au plombier venu déboucher l’évier. Les deux protagonistes annoncent également la préparation d’une grande fête de rupture, le dernier jour de l’été, en septembre, avec tous leurs proches. Ce sera  »comme un mariage mais à l’envers »,  »une célébration de la séparation des couples plutôt que leur union » déclare le père d’Ale. Enchaînant coups de fil et rencontres, seuls ou ensemble, Ale et Alex se rendent vite compte que l’idée de la fêter ne convainc guère. C’est généralement eux qui se retrouvent à rassurer leurs différents interlocuteurs.  »Ale(x) et moi, on va se séparer… Mais ne t’inquiète pas, ça va très bien ! ». Cette phrase, les deux protagonistes ne cessent de la répéter.

Ce film n’est pas un mélodrame avec des disputes classiques. Ce qui pourrait sembler absurde se transforme en une sorte de comédie de remariage. Cette décision devient le point de départ d’une réflexion profonde. La rupture est envisagée comme une occasion de revitaliser leur relation. Ils veulent tenter une expérience. Le film se réinvente et reste toujours surprenant, ses bifurcations du récit ne cessent de nous surprendre.

Face aux différentes répliques, le couple se retrouve souvent uni. Ale et Alex sont de plus en plus partagés à propos de cette décision de séparation, qui les éloigne mais qui aussi en viendrait presque à les rapprocher à nouveau. À moins qu’Ale et Alex ne trouvent dans l’organisation de cet événement un moyen de redéfinir leur quotidien et de laisser place à leur nostalgie…

Film enthousiasmant, Septembre sans attendre, huitième long métrage de l’Espagnol Jonás Trueba, est une comédie drolatique qui cache son jeu, dévoilant peu à peu, une poignante méditation sur le temps qui passe, sur l’amitié, l’amour, la réinvention de soi, sur ce qu’il reste à sauver et la manière dont le cinéma peut en rendre compte.


Jonás Trueba explore une voie intimiste et sentimentale. De facture minimaliste, ce film capte les mouvements intérieurs et les émotions des personnages. Il dégage une émotion réelle portée par une belle  »trouvaille » de scénario, avec notamment les redites d’expressions qui tournent à des plaisanteries dont l’effet comique repose sur les répétions.

Ces répétitions dans le film interrogent sur la routine et sur la volonté de toujours se réinventer. Ce jeu de ressassement du quotidien, le comique de répétition, où les mêmes idées et dialogues reviennent comme un leitmotiv, nous questionne sur les réelles intentions d’Ale et Alex : s’agit-il d’une nouvelle façon de mieux se retrouver, ou bien encore une totale invention ? Leur famille pense d’ailleurs que tout cela n’est qu’une blague.

Le cinéma est aussi au cœur de cette histoire. Ale est réalisatrice, et son film dans le film – pour lequel Alex est acteur – nourrit la réflexion sur le couple et sur la vie elle-même. Les dialogues spontanés, les scènes de vie quotidienne, donnent lieu à des émotions où la frontière entre réalité et fiction devient incertaine. Le film ne cesse de brouiller les repères, et l’on se demande si le récit progresse ou s’il ne cesse de se répéter. .

Septembre sans attendre est une comédie brillante, audacieuse et touchante, profondément humaine. La mise en abîme est virtuose. Précisons que le titre espagnol de Septembre sans attendre est Volveréis, c’est-à-dire  »vous reviendrez ». 

Philippe Cabrol

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