Cette œuvre hybride a été pensé en 2020 avec la découverte, dans une brocante, de plus de 200 photos d’une famille dans une enveloppe kraft. Une famille inconnue, avec au centre : le garçon.
LE GARÇON de Zabou Breitman et Florent Vassault. France, 2024, 1h37. Avec Damien Sobieraff, Isabelle Nanty, Francois Berléand.
Critique de Philippe Cabrol, SIGNIS France
Tout part d’une idée folle, tout débute avec les photos d’une famille sur plusieurs décennies. Qui est ce garçon sur ces photos des années 1950 ? On y voit un petit garçon, un instant figé par le temps. Quelle est son histoire, est-il encore vivant ? Quelle a été sa vie entre le moment où ont été pris ces clichés et aujourd’hui ? Intrigués et fascinés par leur découverte, Zabou Breitman et Florent Vassault vont se demander comment retrouver ce garçon et comment imaginer un parcours de vie à partir de ces photographies figées. Ils vont donc mener une enquête surprenante. En résulte un film hybride, ressemblant à un jeu de pistes, mêlant fiction et documentaire. Un long-métrage où ce garçon devient un héros involontaire, comme si son histoire était ré-écrite et qu’une vie lui était redonnée.

S’occupant de la fiction pour imaginer le passé, la réalisatrice Zabou Breitman va imaginer ce qu’a pu être la vie de ce garçon. Elle va transformer cette recherche en fiction, recréant des scènes avec les acteurs Isabelle Nanty et François Berléand. Elle reconstitue une famille rétro, chaleureuse et tranquille. Elle va imaginer vingt-quatre heures de la vie du jeune homme en s’inspirant des tirages. Quant à Florent Vassault, monteur, devenu pour un temps enquêteur, il s’occupe du documentaire. Il tente de retrouver la vérité de ce garçon et de le rencontrer adulte aujourd’hui, à partir des indices sur les photos. Et finalement comme un troisième film, on suit les étapes où la réalisatrice et le monteur croisent leur travail pour tenter de joindre «ce drôle de mélange» et reconstituer un puzzle familial. Zabou Breitman tourne sa partie quand Florent Vassault a terminé la sienne, mais sans savoir ce qu’il a trouvé.
Chaque vie est une aventure qui mérite d’être racontée nous dit ce film qui nous plonge dans le passé. Petit à petit, le garçon «prend vie», ainsi que ses parents imaginés par Zabou Breitman. On découvre une famille comme les autres avec ses joies, ses peines, ses silences, ses difficultés, ses disputes.
Ce film nous questionne sur la mémoire, le temps et l’oubli, pose des questions fondamentales : qu’est ce qui fait la valeur d’une vie ? Quels liens de sociabilité entretenons- nous ? Des questions qui dérangent parfois. Il interroge également sur le pouvoir des photos et sur la façon dont elles peuvent traverser le temps. Que deviennent nos photos quand la famille a disparu ?

On devine que cette œuvre, qui ne ressemble à nulle autre au cinéma et qui a été tournée sur deux années, a évolué pendant cette période et s’est nourrie de nombreuses formes. Grâce à un montage alternatif intelligent et sensible, la fiction se mêle à la recherche de la vérité. La partie documentaire, qui rend hommage à une France rurale traitée par le cinéma, est touchante et pertinente.
La méthode de création de ce film est novatrice, elle permet à la fois de suivre le travail de Florent Vassault sur la recherche de vérité de ce garçon et de sa famille, et celui de l’imaginaire grâce à la fiction développée par Zabou Breitman.
Le Garçon est un moment de cinéma difficile à décrire : une expérience unique, un film expérimental fait de tâtonnements, d’inattendu et d’imagination, un véritable travail d’investigation sur le terrain. Œuvre documentaire et fictionnelle, pudique, nostalgique, précieuse, Le Garçon brouille les pistes entre inventivité et réalité.
Philippe Cabrol