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LE JEU DE LA REINE de Karim Aïnouz

Karim Aïnouz est très attaché aux histoires de femmes comme le raconte son précédent long-métrage La Vie invisible d’Euridice Gusmao. Avec ce nouveau film, il met en scène une femme exceptionnelle, Catherine Parr, pourtant sous-représentée dans l’histoire des Tudors.

LE JEU DE LA REINE de Karim Aïnouz. Grande-Bretagne/Etats-Unis, 2023, 2h00. Avec avec Alicia Vikander, Jude Law, Eddie Marsan. Festival de Cannes 2023, compétition officielle.

Critique de Chantal Laroche, SIGNIS France

Le réalisateur brésilien-algérien Karim Aïnouz dit :  »Je crois que mon attachement aux personnages féminins vient du fait d’avoir été élevé dans une maison où il n’y avait pas d’homme. C’était une oasis matriarcale ».

La productrice a souhaité se tourner vers ce réalisateur pour dresser  »le portrait d’un personnage inédit sur grand écran jusqu’à présent », qui avait cependant retenu l’attention de d’Elizabeth Fremantle, dans son premier roman Le Jeu de la Reine, publié en 2012.

Ce drame historique se situe lors des derniers mois de la vie du roi d’Henri VIII marié à Catherine Parr, sa sixième et dernière femme. Les précédentes épouses ont été soit répudiées, soit décapitées ; une seule est décédée suite à une maladie.

Cette cour royale de l’Angleterre du 16e siècle, où se mêlent raffinement et vulgarité, est ensanglantée par les guerres des Tudors contre l’Ecosse ou la France de François 1er. Pendant les campagnes militaires du roi son époux, Catherine est nommée régente. Extrêmement cultivée et perspicace, elle va exercer un certain pouvoir afin de diffuser les principes protestants d’une réforme religieuse qui pourrait permettre au peuple de lire la Bible. Elle partage ses idées d’émancipation du peuple avec Anne Askew, interprétée brillamment par Erin Doherty, qui en fidèle amie, ne livrera jamais la reine mais finira sur le bûcher en défendant sa foi protestante.

Le Jeu de la Reine dont le titre original est Firebrand qui signifie le tison, évoque le scandale, la provocation. Parfaitement au courant de ce qu’elle risque, Catherine navigue magistralement entre les jeux de pouvoir et les conspirations, en tenant son cap malgré la passion paranoïaque et la violence maladive de son mari. L’excellente affiche du film en dit long sur l’attitude misogyne du roi, qui, main sur la bouche de Catherine, son épouse, bâillonne sa parole. Mais avec la complicité de ses dames de compagnie, Catherine tente de déjouer les pièges que lui tendent le roi et la cour, cherchant toute faille dans le contrôle de son  »jeu », afin de la faire disparaître aussi bien pour des raisons religieuses que politiques.

Alicia Vikander est parfaite dans le rôle de Catherine Parr, tant elle est mystérieuse et déterminée. L’interprétation de Jude Law méconnaissable dans le rôle de Henri VIII n’est moins magistrale. Le comédien a transformé sa silhouette fine et élancée pour devenir ce terrible Barbe Bleu abusif, misogyne et monstrueux à la jambe atteinte de gangrène nauséabonde, proche de la putréfaction scrofuleuse.

Le film a été tourné dans les plaines brumeuses du Derbyshire au Château de Haddon Hall, aux boiseries sombres et sinistres tandis que Karim Aïnouz revisite avec talent le film d’époque en costumes.

Entre thriller politique et film  »viscéral sur les relations humaines » comme le dit le réalisateur, l’histoire de Catherine Parr, femme superbe et déterminée, est esquissée avec éclat et subtilité. Son courage et ses convictions religieuses ainsi que ses qualités d’écrivaine et de théologienne exprimées dans Les Lamentations d’un pécheur publiées à la fin de 1547 après la mort d’Henri VIII influenceront beaucoup sa belle-fille, la reine d’Angleterre et d’Irlande, Élisabeth 1ère.

Chantal Laroche Poupard

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