Deux frères, séparés dès l’enfance, grandissent dans deux familles différentes et leurs destins en sont changés à jamais. Qu’est-ce qui, des gènes ou de l’environnement, est le plus déterminant dans le développement d’une personne ? La question semble immuable.
EN FANFARE d’Emmanuel Courcol. France, 2024, 1h43. Avec Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco, Jacques Bonnaffé
Critique d’Anne Le Cor, SIGNIS France
Thibaut est un grand chef d’orchestre de renommée internationale. Malade, il a besoin d’une greffe de moelle osseuse et se rend compte, lors de tests de compatibilité, que sa famille n’est pas de son sang. Il part alors en quête de ses origines. C’est dans le nord de la France qu’il retrouve son frère Jimmy. Le jeune homme travaille dans une cantine scolaire mais surtout, il joue du trombone dans la fanfare locale. Passé le choc de la rencontre et de la différence de classe sociale, les deux frères finissent par sympathiser et se trouver des points communs comme l’amour de la musique et le fait d’avoir l’oreille absolue. Thibaut, qui a repéré ce don chez Jimmy, se met en tête de renverser le destin en lui donnant la chance de devenir virtuose.
Le réalisateur Emmanuel Courcol a écrit le rôle de Jimmy pour Pierre Lottin qu’il avait déjà dirigé dans Un Triomphe, son film précédent. Le comédien est d’un naturel étonnant dans le rôle de ce jeune homme simple et sympathique qui s’imagine un temps, un destin extraordinaire à la manière de son frère. Benjamin Lavernhe, qui incarne Thibaut, donne lui aussi une prestation au ton juste et rafraîchissant. Il ne rajoute pas de pathos et ne surjoue pas la scène où son personnage apprend, à l’âge adulte, qu’il est un enfant adopté et qu’il est atteint d’une maladie grave et incurable.
Les seconds rôles, notamment les membres de la fanfare, sont d’un naturel déconcertant, avec en prime une bonne humeur décalée et surtout beaucoup d’humanité. Les musiciens de la fanfare de Walincourt, près de Cambrai, s’improvisent acteurs amateurs et se mêlent aux acteurs professionnels dans une harmonie parfaite, si bien que l’on fait à peine la différence. La musique, notamment celle de Michel Petrossian, est bien sûr omniprésente et rythme le film tambour battant.
Tourné près de Douai, le film met en valeur la chaleur humaine des gens du Nord. On y trouve aussi des « caractères », comme celui de la syndicaliste incarnée par Sarah Suco. Tous les personnages sont attachants et il n’y a pas de caricature, ni chez les riches ni chez les pauvres. Au-delà de la comédie sociale, la narration pose la question des liens du sang et met en scène l’ironie parfois tragique des destinées des uns et des autres.
Emmanuel Courcol choisit d’aborder un sujet grave en musique, avec humour et légèreté. Il évite ainsi de tomber dans les clichés prévisibles de ce genre d’histoire. La lutte des classes entre le petit joueur de trombone du Nord et le grand chef d’orchestre parisien n’aura pas lieu. Bien au contraire, le petit frère oublié régale son grand frère adulé d’un final en fanfare.
Anne Le Cor