Au Bhoutan, la tranquillité des habitants se voit bousculer par l’arrivée de la démocratie, des élections et de la cupidité. Une jolie comédie, dans des décors grandioses.
LE MOINE ET LE FUSIL de Pawo Choyning Dorji. Bouthan, 2023, 1h47. Avec Tandin Wangchuk, Deki Lhamo, Pema Sherpa, Tandin Phubz.
Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France
Retiré du brouhaha du monde mais pas de la modernité, le Bhoutan franchit une étape historique en 2006 lorsque le roi abdique et propose des élections pour choisir celui qui lui succédera à la tête du pays. Dans les campagnes, il faut former les électeurs incrédules à la pratique de la campagne électorale et du vote. Très vite, des dissensions apparaissent dans les familles et entre voisins. Fallait-il vraiment en passer par là pour être plus heureux ?
Pour renforcer le côté rocambolesque de certaines situations, un Américain amateur d’antiquité et son guide local peu scrupuleux ont rendez-vous dans un village où une fonctionnaire doit superviser l’apprentissage de l’exercice démocratique. Et où un jeune moine, à la demande incongrue de son supérieur spirituel, doit trouver des armes.
Pour son second long-métrage, après L’école du bout du monde (2019), Pawo Choyning Dorji travaille à nouveau avec des acteurs non-professionnels, adaptant son scénario à leur capacité à jouer. L’ensemble est ainsi teinté de chaleur humaine, d’authenticité sans pencher vers l’exotisme. Tourné dans un village rural et son magnifique décor naturel environnant, le réalisateur sait sublimer les paysages : les nuages accrochés aux montagnes, le blé mûr frissonnant sous la brise, un champ de fleur rose, ou la lumière traversant les fenêtres des maisons en bois pour illuminer les visages.
Comme dans une fable, le récit montre l’innocence de ces habitants si éloignés du monde moderne et de ses querelles mais pas dépourvus de bon sens. Comme cette écolière qui rend la gomme prêtée à la représentante du gouvernement : »vous en aurez plus besoin que moi ». Le Moine et le fusil rappelle aussi combien le bouddhisme régit le quotidien et combien, au Bhoutan, cette quête du bonheur est avant tout spirituelle.
Magali Van Reeth