L’énigme Velasquez mêle trois mystères en un film.À travers de nombreux témoignages distillés au fil de l’eau, élément symbolique et introspectif, le documentariste Stéphane Sorlat nous invite à nous pencher sur l’œuvre diverse et prolifique du célèbre peintre espagnol du XVIIème siècle qui a inspiré tant d’artistes après lui.
L’ENIGME VELAZQUEZ de Stéphane Sorlat. France, 2024, 1h40. Documentaire.
Critique d’Anne Le Cor, SIGNIS France
L’homme Velasquez est une première énigme. On sait relativement peu de choses de lui et le documentaire n’est pas une biographie. Tout juste sa naissance à Séville, ses voyages en Italie et sa mort sont-ils abordés. Le documentaire se focalise sur les « fils et filles » de Velasquez, à savoir tous les artistes au gré des siècles et sur tous les continents qui ont tiré leur inspiration de son style et de ses œuvres. De Manet qui le surnomma « le peintre des peintres » en passant par Francis Bacon ou Salvador Dali qui lui emprunta sa moustache et qui, à la question : « Quoi de neuf ? » eut cette réponse géniale : « Velasquez ! »

On s’étonne cependant du peu de reconnaissance en France de l’influence espagnole sur le monde de l’art. Elle a pourtant été essentielle. Signe de cet oubli collectif, on peut compter sur les doigts d’une main le nombre de tableaux de Velasquez présents dans l’Hexagone et le musée du Louvres n’en expose pas un seul.
L’œuvre de Velasquez est pourtant majeure et abordée par thèmes dans le documentaire. Il est question, entre autres, de sa maîtrise de la technique du clair-obscur, chère au Caravage, son contemporain italien. Le peintre espagnol domine aussi l’art du portrait et sut croquer à merveille les plus humbles comme les rois. Il fut notamment le portraitiste officiel de la cour d’Espagne et laisse à ce titre un chef d’œuvre absolu, Les Ménines. Considéré comme une énigme dans l’énigme, le tableau fut l’obsession de Picasso qui le reproduit à moultes reprises. L’écrivain Théophile Gaultier quant à lui, ne comprit pas l’œuvre et se demanda où était le tableau après l’avoir vu.
La troisième énigme est le film lui-même. Il s’agit d’un documentaire exigeant par son approche thématique et les interprétations modernes et intellectuelles qui s’expriment peuvent dérouter. C’est pourtant ce côté audacieux qui fait l’intérêt du film. Tous les arts se mêlent dans une multitude de témoignages d’artistes d’hier et aujourd’hui, ainsi que d’historiens qui interprètent à leur façon l’influence et l’héritage laissés par Velasquez.

Le film ouvre sur une scène de Pierrot le Fou et se poursuit à travers toute la galaxie artistique. Il est question de cinéma, de théâtre et d’opéra, de peinture bien sûr mais aussi de mode. Le tout est saupoudré par les intonations de la voix profonde et suave de Vincent Lindon posée sur des textes de l’historien Élie Faure. Le comédien se dit fier et ravi d’avoir participé au film, même le temps d’une seule journée, car il a beaucoup appris.
Le dernier documentaire de Stéphane Sorlat clôt une trilogie entamée avec Le Mystère Jérôme Bosch et L’Ombre de Goya. L’énigme Velasquez met à l’honneur le peintre espagnol qui a laissé une marque indélébile sur le monde de l’art. Le film ne cherche pas à percer les mystères entourant l’homme et son œuvre mais à lui redonner sa place de grand maître de la peinture mondiale.
Anne Le Cor