MédiasLes Chroniques CinémaMY SUNSHINE de Hiroshi Okuyama

MY SUNSHINE de Hiroshi Okuyama

Sur l’île d’Hokkaido, l’hiver est la saison du hockey pour les garçons. Takuya, lui, est davantage subjugué par Sakura, tout juste arrivée de Tokyo, qui répète des enchaînements de patinage artistique. Il tente maladroitement de l’imiter si bien que le coach de Sakura, touché par ses efforts, décide de les entrainer en duo en vue d’une compétition prochaine… À mesure que l’hiver avance, une harmonie s’installe entre eux malgré leurs différences. Mais les premières neiges fondent et le printemps arrive, inéluctable.

MU SUNSHINE de Hiroshi Okuyama. Japon/France, 2024, 1h30. Avec Sosuke Ikematsu, Keitatsu Koshiyama, Kiara Nakanishi. Festival de Cannes 2024, sélection Un Certain Regard.

Critique de Diane Falque, SIGNIS France

Connaissez-vous la valse hollandaise ou le pas de swing ? Il s’agit de figures de patinage artistique en couple. Pour son second long métrage, Hiroshi Okuyala a choisi, sur fond de patinage artistique, de filmer à nouveau avec délicatesse l’enfance, ses aspirations et ses doutes.

C’est avec une grande douceur que nous découvrons cette petite ville du Japon, en plein hiver, où la neige abondante tamise les bruits et la lumière, dans une atmosphère certes un peu onirique mais chaleureuse. Nous entrons ainsi dans les intérieurs aux couleurs pastels car dehors il fait froid : intérieur de la patinoire, où la glace scintille sous les faisceaux de lumière , où le hockey sur glace côté garçons fait face au patinage artistique côté fille, intérieur des maisons où la soupe chaude réchauffe, intérieur des corps lorsque Takuya, piètre joueur de hockey ressent une attirance physique pour le patinage artistique, littéralement subjugué par les figures gracieuses que dessine Sakura (fleur de cerisier) tout juste arrivée de Tokyo.

C’est ainsi que le temps d’un hiver, l’entraîneur Arakawa, va prendre sous ses ailes le jeune Takuya et la jeune Sakura, leur proposant de les entraîner ensemble en vue d’un concours. Deux enfants à priori si différents : lui est timide, mal assuré et plutôt maladroit, elle est fière, déterminée, tonique. Lui vient de la campagne, elle de la ville. Encore très prudes, il y a peu d’échanges de paroles entre eux, hormis quelques fous rires, d’autant que Takuya est bègue. Ceux-ci passent essentiellement par le corps : leur regard, leur toucher. Ils doivent être à l’unisson, leurs mouvements obligés de s’accorder. Petit à petit grandit une complicité harmonieuse… Les séances de répétition des jeunes enfants, sublimées par la capture des raïs de lumière sur la patinoire, en clair-obscur, nous offrent de véritablement moments de grâce.

Au fil des journées, nous apparaît également la personnalité de Arakawa : entraîneur généreux, attentif et prodige. C’est tout l’enjeu de la transmission qui se joue ici pour lui. Il donne à son tour ce qu’il a lui-même reçu. Il leur offre une parenthèse enchantée à l’intérieur comme à l’extérieur, lorsqu’il les sort de la ville pour aller patiner sur le lac. Le titre : My Sunshine  »mon soleil » évoque cette parenthèse lumineuse, qui a mis en chacun une étincelle de vie, de bonheur.

Malheureusement, derrière la beauté du geste se cache l’ambiguïté des sentiments. Dans cette relation triangulaire, les sentiments se mêlent avec leur désir de reconnaissance, d’amour et de gratitude,  »le poids du regard des autres », comme l’évoque la chanson finale.

Ainsi nous glissons subtilement au fil du film de la vraie joie partagée vers le drame. Le réalisateur ne cherche pas à expliquer, ni même à juger – ils sont trop jeunes pour cela – mais il interroge. Par des sous-entendus, des regards implicites, c’est comme un piège qui se met en place. Prisonniers des  »on dits » ou des  »qu’en dira t-on », de la jalousie ou de l’appréhension, ils sont jeunes et ne maîtrisent pas encore ces jeux.

Au fond, et c’est peut-être son sujet principal, Hiroshi Okuyama interroge à travers ce film la société japonaise sur ses codes, ses préjugés, et sur l’acceptation de la différence. Un microcosme accentué par le choix du lieu : la petite île de Ukkaido. La vie continue, les saisons passent et la fin est laissée au spectateur.

Diane Falque

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