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MAY DECEMBER de Todd Haynes

Todd Haynes aime les portraits de femmes. Le réalisateur américain affectionne tout particulièrement les personnages déviants et transgressifs que la société rejette. Les deux se mêlent allègrement dans son dernier film, May December. Le titre est une expression anglaise imagée tirée d’une vieille chanson et qui évoque ces couples avec une grande différence d’âge. Le film offre une réflexion sur le côté intrigant du scandale, qui attire et révulse en même temps.

MAY DECEMBER de Todd Haynes. Etats-Unis, 2023, 1h57. Avec Natalie Portman, Julianne Moore, Charles Melton, Cory Michael Smith.

Critique d’Anne Le Cor, SIGNIS France.

May December semble faire librement référence à l’affaire Mary-Kay Letourneau qui défraya la chronique à la fin des années 1990. Imaginez-vous, une femme adulte qui s’amourache d’un tout jeune adolescent avec qui elle a un enfant et va en prison pour détournement de mineur. Puis, une fois le jeune devenu adulte, tous deux se marient, ont d’autres enfants et vivent heureux comme une famille américaine traditionnelle de la classe moyenne dans une banlieue chic de Savannah en Géorgie. Mais le scandale est têtu et ne les lâche pas.

Quel beau scénario de film ! C’est aussi ce que pense Elizabeth Berry, une actrice hollywoodienne, qui veut faire de cette histoire malsaine une série télévisée. Afin de mieux se préparer à incarner Gracie Atherton-Yu, elle se rend chez la famille, les interroge et ne manque pas d’analyser son sujet pour mieux le dominer jusqu’à imiter les mimiques de son modèle. Le personnage, interprété par Nathalie Portman, devient de plus en plus trouble au fur et à mesure qu’elle côtoie le couple, désormais marié depuis 20 ans.

Le film ne perce jamais vraiment le mystère de ce couple devenu presque ordinaire. Cela est en partie dû à l’interprétation très maîtrisée de Julianne Moore qui campe une Gracie très sure d’elle et décomplexée, voire ironique. Si elle s’exprime ouvertement sur son histoire et son passé, elle reste à la surface des choses et ne fait qu’effleurer les raisons pour lesquelles elle n’a pas refusé cet amour interdit.

Quant au personnage de Joe, c’est un adulescent affalé sur son canapé devant la télé à manger des chips et boire des sodas d’un air détaché. Pour lui, la vie de mari et de père a commencé trop tôt. Le réalisateur Todd Haynes a confié ce rôle à Charles Melton pour son allure nonchalante qui ressemble à la fois à celle d’un enfant et d’un homme âgé. Et pour ne pas paraître trop beau, l’acteur américain a dû prendre quelques kilos.

Au final, le couple n’est pas si solide qu’il y paraît et chaque personnage devient plus ambigu et mystérieux à mesure qu’il se dévoile. Le duo formé par Elizabeth et Gracie se reflète en miroir face caméra dans des scènes aussi troublantes que déroutantes. La fin du film est d’autant plus déconcertante que l’actrice Elizabeth Berry se révèle être plus disruptive et manipulatrice qu’il n’y parait. Que cherche-t-elle vraiment ?

À cette question, Todd Haynes ne répond pas directement. Il laisse planer le doute qui entretient un certain malaise chez le spectateur. May December est un drame psychologique assez décalé qui part d’une idée originale et laisse la part belle aux personnages féminins. Le réalisateur américain ne fait pas mentir son goût pour le côté ambigu et sulfureux des êtres.

Anne Le Cor

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