MédiasLes Chroniques CinémaDIAMANT BRUT d'Agathe Reidinger

DIAMANT BRUT d’Agathe Reidinger

Portrait contemporain d’une jeune fille qui aspire à s’élever dans la pureté et la beauté, mais au sein du monde virtuel des réseaux sociaux et de la télé réalité. Une histoire provocante racontée avec subtilité et intelligence.

DIAMANT BRUT d’Agathe Reidinger. France, 2023, 1h43. Avec Malou Khebizi, Idir Azougli,Andréa Bescond, Ashley Romano, Alexis Manenti. Festival de Cannes 2024, compétition officielle.

Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France

Liane, jeune femme d’un quartier populaire, maquillée avec outrance et peu vêtue, rêve d’être une influenceuse célèbre et travaille sans relâche pour alimenter son compte et augmenter le nombre de ses abonnés. Aujourd’hui, les jeunes filles ne rêvent plus d’être vedette de cinéma, elles veulent être vues et et avoir des vues sur les réseaux sociaux. Quand Liane trouve une annonce pour faire partie d’une émission de télé-réalité, elle va tout faire pour être acceptée.

Le premier long métrage d’Agathe Reidinger montre une remarquable maîtrise technique et une grande intelligence dans le scénario. Le sujet est très actuel, parfois provoquant pour un public habitué à des personnages plus classiques. Liane sculpte, habille et déguise son corps selon les modes en vigueur dans les réseaux sociaux. Face à la vulgarité de son apparence, la réalisatrice oppose la solidité de son caractère, sa force à rester droite.

Du prénom de l’héroïne jusqu’au titre, rien n’est laissé au hasard. Une liane est une plante qui s’accroche où elle peut pour monter vers la lumière. Quant au diamant brut, il est de structure divine par sa pureté et sa rareté. Avec quelques scènes d’apparence anodines, la réalisatrice met son personnage face au mythe de la beauté antique (les statues de marbre étant parfois aussi callipyges qu’elle) ou de la pureté virginale (les représentations de la Vierge Marie sont nombreuses dans son entourage).

Elle doit développer une carapace pour se protéger des regards méprisants, y compris de sa mère. Si le père est absent, les personnages masculins du film sont complexes et finalement assez respectueux de la jeune femme. Que ce soit son petit ami, prévenant et patient, respectant ses désirs, ou, lors d’une possibilité de chute, ces hommes d’âge mûr rencontrés dans une fête, qui nous font craindre le pire et qui sauront pourtant s’arrêter à temps. Et lorsque Liane veut prier, elle s’adresse directement à saint Joseph.

De la mythologie grecque aux contes des frères Grimm, la recherche de la beauté est un sujet de discorde et un moteur de tragédie. Agathe Reidinger l’adapte avec intelligence au monde actuel, où la gloire et la reconnaissance passent par les réseaux sociaux. Il ne s’agit plus d’être aimée par les siens dans la vraie vie, mais de recevoir le plus de  »cœurs » possible sur les réseaux sociaux pour se sentir aimée.

Pour Liane, le récit s’achève sur une fin ouverte. Mais qui possède un diamant brut possède un joyau en devenir. Un diamant brut doit être façonné, taillé avec beaucoup de soin et cela prend du temps pour lui donner une beauté éternelle. On quitte la jeune femme, à l’aube du jour et de sa vie adulte, face à l’immensité de la mer, rassurée sur sa capacité à rester droite, à prendre en main son destin. Ironiquement, c’est le seul moment où on va voit physiquement défaite.

Diamant brut questionne frontalement cette quête éperdue de la beauté et de la gloire virtuelle, ces injonctions induites par les réseaux sociaux qui normalisent la chirurgie esthétique, une certaine plastique surnaturelle ou la dictature, pour les femmes surtout, d’un visage éternellement jeune.

Magali Van Reeth

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