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SAUVAGES de Claude Barras

La déforestation industrielle et la disparition des peuples des forêts est au cœur de ce film d’animation. Un parti pris militant et assumé, déroulé comme une aventure, avec de la poésie, une esthétique soignée et un grand souci de réalisme.

SAUVAGES de Claude Barras. Suisse/France/Belgique, 2024, 1h27. Film d’animation tout public. Festival d’animation d’Annecy 2024, sélection officielle. Festival de Cannes 2024, séance spéciale.

Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France

A Bornéo, Kéria, jeune écolière, habite avec son père dans une plantation qui fournit de l’huile de palme. C’est une industrie très rentable et elle grignote un peu plus chaque jour la forêt tropicale. Le quotidien très ordinaire de Kéria va être bousculé lorsque, du fond de la jungle, débarquent un grand-père et un cousin qu’elle ne connaît pas et qui parlent une langue étrange. Avec eux, elle va découvrir ce monde qui est de l’autre côté de la plantation et qui doit disparaître.

On avait découvert Claude Barras en 2016 avec Ma Vie de Courgette, film tourné entièrement avec des marionnettes animées, aux grands yeux et aux visages particulièrement expressifs. Ici, la technique utilisée pour les personnages est la même mais les nouveautés technologiques permettent une plus grande fluidité, notamment dans les décors. Le réalisateur a fait de nombreux repérages à Bornéo pour cerner au plus près le mode de vie des Penans, cette tribu aujourd’hui menacée de disparition.

Si le film dénonce sans ambiguïté les ravages de l’industrie de l’huile de palme sur les forêts tropicales, il montre aussi la complexité de la situation vécue par les derniers peuples nomades de ces régions. Dans le film, le grand-père de Kéria et Selaï, qui vit de chasse et de cueillette, utilise un téléphone portable et écoute la radio. Et c’est à travers les réseaux sociaux, et les scientifiques occidentaux, qu’une mobilisation va se déclencher pour la préservation du milieu naturel.

Les couleurs du film sont tout à fait celle de la végétation tropicale : différentes teintes de vert et de brun, soulignées par un rouge intense. La bande son, accompagnée par la musique de Bernie Krause est un enchantement. Les sons de la jungle, avec le bruissement des feuilles, le clapotis de l’eau, le bourdonnement sourd de la pluie, le crissement des insectes, le chant des grenouilles ou les grognements joyeux des orang-outangs donnent un côté très sensoriel au récit.

En pénétrant dans la jungle, à la recherche d’un petit singe qu’elle a recueilli, Kéria est effrayée par les bruits, le manque de repères pour trouver son chemin et les sangsues si collantes qui laissent des marques rouges. Dans la tribu de son grand-père, elle va apprendre à mieux connaître ses origines, et les raisons de la disparition de sa mère. Dans un rite initiatique où elle reçoit un nouveau nom, c’est aussi une autre spiritualité qu’elle découvre, intimement liée à la nature. Si le réalisateur est très soucieux de réalisme pour présenter le peuple des Penans, il n’oublie pas que son film doit rester une aventure accessible aux plus jeunes, avec de l’humour, des frayeurs et de la tendresse.

Sur le site du film, on peut trouver des documents pédagogiques destinés aux enfants et des moyens d’agir pour éviter la déforestation : https://www.sauvages-lefilm.com/

Magali Van Reeth

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