Le scénario d’Ellen Kuras s’inspire de la biographie publiée en 1985 The Lives of Lee Miller, écrite par le fils de Lee Miller, Antony Penrose. Le film retrace une partie de la vie riche et multiple de Lee Miller en particulier la période de la Libération où elle fut reporter de guerre dans des conditions extrêmes qui, par la quête du »vrai », l’ont forcée à affronter un secret traumatisant et profondément enfoui de son enfance.
LEE MILLER d’Ellen Kuras, Grande-Bretagne, 2023, 1h57. Avec Kate Winslet, Andy Samberg, Alexander Skarsgard, Josh O’Connor, Noémie Merlant, Vincent Colombe, Marion Cotillard
Critique de Chantal Laroche Poupard, SIGNIS France
Après la mort de Lee Miller en 1977 son fils son fils unique, Antony Penrose, auquel elle avait caché son travail, retrouve dans le grenier de la maison familiale, négatifs, photographies, manuscrits qui retracent une partie de la vie de Lee. Interprété dans ce film par le brillant Josh O’Connor, Antony Penrose donne à la réalisatrice Ellen Kuras un accès complet aux archives personnelles de la famille. Kate Winslet, endossant magistralement le rôle de Lee, s’est également impliquée dans la construction du scénario. Ami Bouhassane, la petite-fille de Lee Miller dit de Kate Winslet : »elle venait voir les archives à Farleys House, la maison-musée de ma grand-mère. Elle observait les négatifs, les manuscrits, les vêtements… Elle voulait s’imprégner au maximum de sa vie. »
Elisabeth »Lee » Miller, née à Poughkeepsie en 1907 aux Etats-Unis fut mannequin et photographe de mode chez Vogue. Dans les années 1930 Lee Miller est à Paris ; son professeur de photographie est Man Ray, force vive du surréalisme. Elle devient sa muse mais il éclipse le travail de Lee. Elle se sépare de lui.
Avec l’homme qu’elle épouse, Roland Penrose, interprété dans le film par le suédois Alexander Skarsgård, elle fréquente dans les années 1940 le couple Nush et Paul Eluard qu’interprètent respectivement Noémie Merlant et Vincent Colombe, tandis que Marion Cotillard est Solange, son éditrice.
En 1944 l’époque des pique-niques entre amis est révolu. Lee Miller est devenue une photographe de renom. Une édition américaine de Vanity Fair cite Lee Miller dans un article parmi »les sept plus éminents photographes » de l’époque indispensable au magazine Vogue. Sa quête du vrai la pousse à voir de ses propres yeux l’actualité dure et crue.
Après avoir obtenu non sans mal l’autorisation, elle part comme correspondante de guerre sur le front. En France elle couvre par son reportage la bataille de Saint-Malo en août 1944. Le film s’ouvre sur cette séquence de scène de bataille reconstituée grâce à des photos et à un manuscrit retrouvé dans les archives de la famille. On parle de Lee Miller dans la presse : »la détermination d’une photojournaliste dont l’œuvre a trop longtemps été éclipsée par celle de ses confrères correspondants de guerre est mise à l’honneur ».
Seule femme sur le terrain, accompagnée par David Scherman, correspondant de guerre et photographe du magazine Life, elle part sur les routes de l’Allemagne dévastée et détruite. Ils se rendent tous deux au camp de Dachau, libéré par les Américains. Les images sont d’un noir et blanc glacial, la séquence est une immense émotion où seul règne le silence insoutenable d’êtres disparus dans la barbarie.
Grâce à la performance admirable de Kate Winslet, la réalisatrice parvient à révéler une force que porte en elle Lee Miller, son sens de la provocation. La photo de l’appartement réquisitionné d’Adolf Hitler au lendemain de son suicide montre entre autres le tapis de la salle de bain maculé par les bottes de Lee Miller qui ont foulé le matin même Dachau et de Buchenwald.
Le film traduit avec talent la quête du beau de Lee Miller mais surtout sa quête du »vrai » qui l’a menée des couvertures du magazine Vogue aux camps de Dachau et Buchenwald. Elle laisse un héritage considérable. Sa petite-fille, Ami Bouhassane, curatrice du fonds d’archives et son fils Antony Penrose n’ont de cesse de mettre valeur son travail dans une fondation qui lui est consacrée. Une exposition d’une cinquantaine de photos de son reportage de guerre a vu le jour à Saint-Malo en 2024 tandis que se prépare une grande exposition qui aura lieu au Tate Britain à Londres du 2 octobre au 15 février 2026.
Chantal Laroche Poupard