MédiasLes Chroniques CinémaJE SUIS TOUJOURS LA de Walter Salles, prix SIGNIS Venise 2024

JE SUIS TOUJOURS LA de Walter Salles, prix SIGNIS Venise 2024

De 1970 aux années 2000, le film retrace la vie d’une mère de famille heureuse dont le quotidien bascule avec l’arrivée de la dictature au Brésil et la disparition de son mari. La naissance d’un engagement et la fragilité de nos destins.

JE SUIS TOUJOURS LA/ AINDA ESTOU AQUI de Walter Salles. Brésil/France, 2023, 2h16. Avec Fernanda Torres, Selton Mello, Fernanda Montenegro, Guilherme Silveira. Sélection officielle Biennale de Venise 2024, prix SIGNIS.

Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France

Eunice et Ruben Paiva sont un couple moderne et aimant, leurs cinq enfants et un chien mettent beaucoup d’agitation dans leur maison en bord de mer et leurs nombreux amis leur donnent une vie sociale bien remplie. Ruben est architecte et prévoit de construire une grande maison familiale à la campagne. Lorsque des hommes en vestons sombres viennent l’arrêter un jour, l’Histoire et ses drames entrent brusquement dans ce foyer heureux.

Dans ce film, Walter Salles évoque une page douloureuse de l’histoire contemporaine de son pays, le Brésil, à travers les répercussions de la dictature des années 1970 sur le quotidien des gens ordinaires. Choisissant une famille aisée et éduquée pour ne pas brouiller le propos politique avec les problèmes liés à la pauvreté, il choisit de montrer la naissance d’un engagement. Celui d’Eunice, une mère de famille nombreuse qui décide de reprendre des études à la disparition de son mari.

Le film développe longuement cette vie de famille, joyeuse, agitée dans l’insouciance d’une époque où tout semblait possible. Les décors et les nombreux détails participent à l’ambiance harmonieuse et les acteurs qui jouent les 5 enfants sont très naturels. Déroulé de façon chronologique, le scénario et la mise en scène font lentement monter vers le drame de la disparition. Accompagnant Eunice jusque dans son grand âge, il montre aussi l’importance de la mémoire affective.

A la Biennale de Venise 2024, où Je suis toujours là était en compétition officielle, il a reçu le prix SIGNIS. Précédemment, Walter Salles avait reçu le prix œcuménique à la Berlinale 1998 pour Central do Brasil, prix œcuménique Cannes 2004 pour Carnets de voyages et une mention du prix SIGNIS au Festival de La Havane 2008 pour Linea de pase.

Pour Je suis toujours là, la motivation était la suivante : Un cinéma d’engagement civil qui parle du chagrin et de la résilience d’une femme et d’une famille, qui deviennent le symbole de tout un pays exposé à la violence répressive d’un système militaire autoritaire. Eunice Pavia n’a jamais capitulé face à l’intimidation et aux obstacles de la bureaucratie ; elle s’est toujours battue avec détermination sur le terrain de la légalité pour affirmer la vérité et la justice pour son mari Rubens Pavia et toutes les autres victimes de toutes formes d’oppression. Réalisée avec un regard vibrant et posé, l’œuvre de Walter Salles passe du cri initial de dénonciation à un chant d’espoir pour la préservation de la démocratie et de la culture de la paix. Ainda estou aqui/Je suis toujours là devient le gardien de la mémoire d’une page dramatique de l’histoire du Brésil, qui n’a pas encore été pleinement étudiée ni même guérie, et en même temps un message puissant pour notre présent, pour les risques pour la démocratie.

Les membres du jury 2024 : Sergio Perugini (Italie), Astrid Polz-Watzenig (Autriche, présidente), Joachim Opahle (Allemagne), Eliana Ariola (Italie), Ádrian Baccaro (Argentine).

Magali Van Reeth

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