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PERFECT DAYS de Wim Wenders – Prix œcuménique Cannes 2023

Touchant et bercé par un sens de la contemplation du quotidien, Perfect Days est un film minimaliste et teinté de musique rock des années 1960, où le bonheur s’expérimente dans le goût des choses simples. Le titre de ce long métrage est donné par la chanson célèbre de Lou Reed.

PERFECT DAYS de Wim Wenders. Allemagne/Japon, 2023, 2h03. Avec Koji Yakusho, Min Tanaka, Arisa Nakano, Tokio Emoto, Tomokazu Miura. Festival de Cannes 2023, compétition officielle, prix du jury œcuménique et prix d’interprétation pour Koji Yakusho.

Critique de Philippe Cabrol, SIGNIS France

C’est le retour de Wim Wenders, qui n’avait pas tourné de fiction depuis six ans, au Festival de Cannes, où il reçut la palme d’or et le prix du jury œcuménique en 1984 pour Paris, Texas. Ce film est né d’une commande passée à Wim Wenders par la municipalité de Tokyo autour des toilettes publiques du quartier de Shibuya. Plutôt que de tourner le court-métrage initialement prévu, le cinéaste passionné par le Japon (il avait tourné 35 ans plus tôt, Tokyo-Ga, un documentaire en hommage à Ozu) a réalisé une fiction centrée sur le quotidien d’un agent d’entretien, salarié de la société The Tokyo Toilet.

Pour ce premier long-métrage tourné au Japon, Wenders raconte le récit d’un nettoyeur de toilettes publiques à l’âme solitaire et travailleuse. Hirayama travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo. C’est un taiseux, un employé modèle qui aime le travail bien fait. Cependant son passé va ressurgir au gré de rencontres inattendues.

Peu bavard, attentif, sans jugement, généreux, serviable, Hirayama s’épanouit dans une vie simple, et un quotidien très structuré. Il accomplit un travail ingrat, qu’il n’a pas de honte à faire à la perfection. Il y trouve un sens profond, philosophique, dans la contemplation de l’instant présent. Consciencieux, il se contente de peu.

Tout est ordonné, tant dans son appartement que dans ses journées rythmées par des rituels bien précis.  Chaque journée est structurée par des habitudes qu’il répète inlassablement et commence de la même façon : un regard vers le ciel, une boisson, un travail, et de la musique. Lorsqu’il sort de son immeuble pour se rendre au travail, il regarde le ciel et il sourit. Pour sa pause-déjeuner, il se rend toujours dans le même parc, sur le même banc, pour lire un livre et photographier les variations de la lumière dans les feuilles des arbres.

Hirayama entretient une passion pour la musique surtout des chansons rock des années 1970 (les Rolling Stones, Otis Redding, Lou Reed, Patti Smith) qu’il écoute sur de vieilles cassettes audio. Homme cultivé il aime lire, notamment Faulkner, Patricia Highsmith. Il s’émerveille devant la beauté des arbres qu’il aime photographier.

Si cet homme est un solitaire, il n’est pas malheureux. Par les gestes du quotidien, par l’admiration du mouvement du soleil à travers les feuilles, l’univers de Hirayama est en harmonie avec son environnement. Attentif au monde qui l’entoure, il en remarque toujours la beauté.

L’attention qu’il porte aux autres alors que ceux-ci l’ignorent fait de lui un homme digne. Invisible parmi les Invisibles, cet homme est transparent à leurs yeux. Mais il n’est pas du genre à se plaindre. Hiriyama est une belle personne, faisant de chaque journée une réussite selon ses propres mots.

Ce film nous entraîne dans les rues de la capitale japonaise, faite de rencontres furtives, d’un quotidien immuable. On ne saura rien de cet homme mutique, de son passé familial visiblement douloureux.

Perfect Days est une balade poétique et spirituelle, faisant le portrait d’un homme sans histoire, digne et souriant. L’enjeu de Wim Wenders est de montrer que le bonheur se trouve dans les choses simples de la vie. En effet, le bonheur pour Hirayama n’est ni dans le paraître, ni dans l’argent, ni dans l’ambition sociale, mais dans les petits riens du quotidien. C’est seulement une joie de vivre qui se conjugue au présent, avec simplicité et passion.

Avec cette histoire profondément sensible et humaine, Wim Wenders nous offre une réflexion émouvante et poétique sur la recherche de la beauté dans le quotidien. La mise en scène est délicate et rend sensible le quotidien de cet homme.

Grâce à un style naturaliste, un rythme lent et contemplatif, le cinéaste capte la douceur de la lumière naturelle à la perfection. Le film montre la beauté du quotidien dans sa plus grande simplicité vie. Tout est beau dans ce film : les plans de Tokyo, la musique, la bienveillance de Hirayama, son visage et ses sourires, les regards portés par le héros sur le monde.

Ode à l’ici et maintenant, Ode à la nature, ode à la vie, ode à la poésie du quotidien, ode à la sérénité, Wim Wenders signe un film lumineux. Deux ans après la covid, le cinéaste allemand fait le choix de rappeler nos fondamentaux : profiter de la vie, profiter de ce que nous offre le monde.

Lors de la 76° édition du Festival de Cannes où Perfect Days était en compétition, il a reçu le prix du jury œcuménique, avec le commentaire suivant : Ce chef d’œuvre cinématographique est un bijou aux nombreux attributs poétiques. A travers les différents personnages, le réalisateur nous transmet un puissant récit sur l’espoir, la beauté et la transfiguration dans le quotidien de nos vies. La dignité du personnage principal, l’accomplissement de son travail effectué avec application, mais aussi son respect à l’égard des autres et son émerveillement face à la nature, dépeignent des valeurs universelles trop souvent déficientes dans nos sociétés contemporaines. Ce film est une pure grâce.

Les membres du jury œcuménique 2023 : Néstor Briceño, Président (Vénézuela), Anne-Laure Filhol (France), Katia Margerie (France), Alberto V. Ramos Ruiz (Cuba), Joel Ruml (République tchèque), Jane Stranz (Grande-Bretagne).

Philippe Cabrol

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