Dans une petite paroisse protestante américaine, un pasteur tente maladroitement de panser les blessures de son âme et de sa foi, quand un activiste écologiste l’oblige à changer de regard. Un personnage amer, en quête de rédemption, un film puissant.
FIRST REFORMED de Paul Schrader. Etats-Unis, 2017, 1h53. Avec Ethan Hawke, Amanda Seyfried. Mostra de Venise 2017, sélection officielle.
Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France
S’habillant de façon traditionnelle, avec col romain et soutane, le révérend Ernst Toller est chargé d’une petite paroisse dans une église classée au patrimoine historique, mais où les fidèles sont très peu nombreux. Dans l’austérité du quotidien et dans sa foi, il cherche à retrouver un élan de vie après la mort de son fils et le divorce qui a suivi. La demande d’un jeune couple va l’ouvrir à un autre combat.
L’image, souvent en teintes sépia et miroir d’un hiver entre neige et gris du ciel, rend bien la culpabilité du personnage principal, torturé par ses erreur passées, angoissé à l’idée de perdre cette foi qui l’a structuré dans sa vie, source de sa vocation. Dans l’impasse de son quotidien comme dans la solitude de son presbytère, aux pièces vides et à la plomberie défectueuse, il se sent pourrir de l’intérieur, les entrailles en feu que l’alcool ne peut apaiser.
L’épiphanie viendra d’un jeune couple, Mary et Michael. Ce dernier, activiste écologique et tourmenté par l’état de la planète, ne voit pas comment accueillir un enfant dans ce monde en perdition. Il n’arrivera pas à dompter ses démons mais Mary reste du côté de la vie, embarquant le pasteur dans un voyage mystérieux et magique où ses yeux se dessilleront enfin : c’est une superbe scène onirique dans un film très sombre, une envolée cosmique sur l’état de la planète.
Le titre, First Reformed, fait évidemment référence à l’église protestante à laquelle appartient la paroisse du pasteur Ernst Toller. En Anglais pourtant, le mot »reformed » a aussi le sens de »repenti » et c’est là l’un des thèmes du film. Découvrant l’urgence écologique d’une planète à bout de souffle, le révérend Toller trouve un nouveau combat, un nouvel élan. Mais peut-il se battre contre les industriels pollueurs mais aussi financiers de cette église ? Avec l’énergie du désespoir, et s’appuyant sur une lecture radicale de l’Apocalypse de saint Jean, il va tenter de »réparer » le monde.
First Reformed, proposé en France avec le titre Sur le Chemin de la rédemption, est un film âpre. Le personnage principal est un homme torturé par sa culpabilité, celle face à la mort de son fils, au naufrage de sa vie et de sa foi, celle de n’avoir pas su sauver un paroissien, celle de n’avoir pas vu où était l’urgence du monde. Et qui lance à tous ceux qu’il croise, comme aux spectateurs cette lancinante question : Dieu pourra t-il nous pardonner ?
Pourtant, comme au dernier moment et dans une impulsion follement optimiste (pour un film aussi noir), dans un tourbillon de lumière, le réalisateur décide de sauver son personnage par le désir et le probable retour de l’Amour.
Magali Van Reeth