MédiasLes Chroniques CinémaGOOD ONE d'India Donaldson

GOOD ONE d’India Donaldson

Quand une jeune fille, bien sous tous rapports, accepte d’accompagner son père et un ami lors d’une randonnée dans les montagnes des Catskills près de New York, elle est loin de se douter que son monde va basculer et la changer en profondeur.

GOOD ONE d’India Donaldson. Etats-Unis, 2024, 1h30. Avec Lily Collias, James LeGros, Danny McCarthy, Sumaya Bouhbal. Festival de Cannes 2024, sélection Quinzaine des réalisateurs.

Critique d’ Anne Le Cor, SIGNIS France

Sam est la gentille fille par excellence. Proche de son père Chris, elle le suit dans un weekend de balade en pleine nature. Matt, un ami de Chris, les accompagne. Les deux cinquantenaires sont divorcés et si Chris a refait sa vie, Matt traîne sa solitude et son alcoolisme désœuvré. Sam fait ce qu’on attend d’elle, elle aide Matt qui ne sait pas bien monter sa tente et elle cuisine pour tous. Mais la bonne ambiance se brise au hasard d’une conversation autour du feu entre elle et Matt.

Révoltée par une proposition indécente faite par le vieil ami de son père, Sam ne trouve guère de soutien auprès de ce dernier qui préfère minimiser l’incident. Le choc psychologique est d’autant plus rude. La jeune fille se rebelle en silence et exprime son mécontentement à sa manière. L’empilement des pierres qu’elle réalise matérialise la fin de quelque chose et la relation faite de nombreux non-dits entre les trois personnages ne sera plus jamais le même.

Sam, « la fille bien », a 17 ans et le film se focalise sur son seul point de vue. Elle est interprétée par Lilly Collias, tout juste 18 ans au moment du tournage. La jeune actrice suggère beaucoup de choses par le regard. Son personnage semble exprimer une certaine peur des hommes. Elle se méfie à l’arrivée d’un groupe de jeunes campeurs. Elle les entend avant de les voir et ne se sent jamais tranquille en leur présence.

Sam parle peu mais dit des choses claires et profondes contrairement à Matt (incarné par Danny McCarthy) qui parle beaucoup trop sous l’influence de l’alcool. La rupture se produit après une bonne heure de film. La réalisatrice laisse le temps aux personnages d’imprimer leur marque. Sam parait plus adulte que les deux hommes qui l’accompagnent. Elle montre beaucoup de maturité comme c’est le cas souvent des enfants de divorcés.

La rupture de compréhension entre le monde masculin et féminin s’exprime à travers les choix de cadrage de la réalisatrice. La dynamique change tout au long du film selon qui se trouve dans le cadre. Le trio est présent à l’image au début, puis il n’y a plus que Sam et son père, enfin elle se retrouve seule. La profondeur de champ a son importance et les images floues séparent le premier plan du second. La fracture est visible à l’écran.

La fin du film ouvre la porte sur tous les possibles et Chris (interprété par James LeGros) retrouve sa place dans le cadre alors que Matt en disparaît à jamais. Le regard complice entre le père et la fille suggère que le dialogue va pouvoir s’effectuer.

Good one est le premier long-métrage d’India Donaldson. D’apparence assez simple, il se révèle subtil et fin dans la narration et la réalisation. Fille de Roger Donaldson, réalisateur de blockbusters, la jeune femme revisite son adolescence dans ce film très personnel qui met en scène la relation père-fille dans une sorte de huis clos familial au grand air.

La réalisatrice remet au goût du jour les chansons de Connie Converse, une chanteuse folk des années 1950, révélée après des années d’invisibilisation. Elle est à l’image de Sam dont la musique accompagne le changement. La dernière chanson parle de solitude entre deux montagnes. Sam, qui se sent isolée et incomprise au milieu du duo hommes, finit par s’en délaisser comme deux poids morts.

Anne Le Cor

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