A travers l’évocation d’un grand chercheur, une plongée fascinante dans la beauté de la physique quantique et la violence du McCarthisme aux Etats-Unis après la Seconde guerre mondiale.
OPPENHEIMER de Christopher Nolan. Etats-Unis. 2023, 3h00. Avec Cillian Murphy, Emily Blunt, Matt Damon. Osar 2024, meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur)
Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France
Film à grand spectacle et vraiment captivant pour raconter le parcours d’Oppenheimer, physicien américain surnommé le »père de la bombe atomique ». Un homme très cultivé, polyglotte, élégant et rigide, à qui le gouvernement américain a donné carte blanche pendant 3 ans pour mettre au point une arme redoutable, menace ultime contre l’ennemi, les nazis puis le gouvernement japonais. Il fut ensuite désavoué pour ses prises de position en faveur d’une régulation de la course à l’armement.
Avec ses précédents films, le réalisateur Christopher Nolan a réussi à convaincre et les spectateurs avides de divertissement et les cinéphiles plus exigeants : Inception (2010), Interstellar (2014) ou Dunkerque (2017) ont su convaincre le grand public et les critiques. Avec ce film basé sur des faits réels, et inspiré du livre de Kai Bird et Martin J. Sherwin, il évite les pièges d’une reconstruction trop appuyée dans les décors ou l’enchaînement des faits réels.
S’appuyant sur le titre du livre et le personnage mythologique de Prométhée, celui qui a donné le feu aux hommes et fut pour cela condamné à vie, le réalisateur donne à voir la puissance du feu et le spectacle inouï de la fusion des atomes : à l’écran, c’est un embrasement tonitruant où le cosmos relie les humains à travers les siècles, où les particules liant toute forme de vie s’entrechoquent entre destruction et réparation. Les images sont superbes, presque envoûtantes.
Cassant le rythme sage de la biographie, le réalisateur passe d’une époque à l’autre, alternant le noir et blanc des interrogatoires du MacCarthisme à la couleurs des jeunes années, campant en quelques scènes efficaces les caractères de chacun. Même si on se perd un peu parmi tous les scientifiques et chercheurs qui ont côtoyé Oppenheimer, les personnages principaux émergent du maelstrom. Le héros est bien de son époque : il porte des pantalons à pinces, un chapeau qui rehausse ses yeux perçants, fume, boit et a une vie sexuelle.
Malgré la longueur du film (3 heures), la mise en scène flamboyante nous emporte. On finit par se passionner pour la construction de cette bombe et espérer qu’elle fonctionne… Comme ensuite on souffre avec Oppenheimer, humilié par la commission chargée d’enquêter sur son sort et ses liens avec les membres du parti communiste. Christopher Dolan a su créer à l’écran, avec l’aide de l’acteur Cillian Murphy, un personnage complexe, écartelé entre sa passion scientifique, son envie de reconnaissance et ses regrets. Du beau spectacle qui, à défaut de nous rendre accessible la physique quantique, met à l’honneur un chercheur passionné, conscient des conséquences effroyables de son œuvre.
Magali Van Reeth