Plus qu’une biographie de l’artiste Niki de Saint-Phalle, le film montre comment une femme, à travers la création artistique, tient à distance ses démons intérieurs et se libère de conventions étouffantes. Avec une mise en scène foisonnante, à l’image de son personnage.
NIKI de Céline Sallette. France, 2024, 1h38. Avec Charlotte Le Bon, John Robinson, Damien Bonnard. Festival de Cannes 2024, sélection Un Certain Regard.
Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France
Pour son premier long-métrage en temps que réalisatrice, l’actrice Céline Sallette a choisi de mettre en scène le difficile parcours d’une femme artiste dans les années 1950. Niki est une jeune épouse et mère, venue avec son mari américain s’installer à Paris, pour être au plus près des mouvements artistiques, et de ce vent de liberté qui soufflait alors dans le monde de arts. Devant affronter la part sombre de son enfance, la jeune femme découvre dans l’expression artistique une façon d’échapper aux hôpitaux psychiatriques et de tenir à distance ses terreurs.
La mise en scène foisonnante et l’engagement physique de l’actrice Charlotte Le Bon rendent bien l’énergie, la violence du désespoir et la force inconsciente de création du personnage de Niki de Saint-Phalle. La déclinaison chromatique, allant ver des couleurs de plus en plus affirmées, à mesure que Niki gagne en confiance ; les écrans divisés ou éclatés, clins d’œil aux courants artistiques de l’époque ; le chapitrage pour introduire le récit sans le révéler, tout est construit avec intelligence pour dire la complexité et la richesse du personnage. Et, astucieusement, la réalisatrice choisit de ne pas montrer le travail de l’artiste, réel ou reconstitué. Le spectateur est donc confronté à son œuvre à travers le regard et les réactions des autres personnages.
Il y a évidemment dans le film un parallèle avec certaines situations actuelles. Il n’est pas toujours facile pour les femmes de vivre à la fois le couple, la maternité et l’engagement total dans la création artistique ou intellectuelle. Les traumatismes de l’enfance – viol, inceste, abus sexuel ou emprise affective – s’ils sont mieux connus ne sont pas forcément plus faciles à surmonter. Avec beaucoup de pudeur et de tendresse, Céline Sallette réussit cette évocation d’une époque et d’une femme, reprenant pleinement possession de sa vie et de ses désirs grâce à l’Art.
Magali Van Reeth