MédiasLes Chroniques CinémaHIVER A SOKCHO de Koya Kamura

HIVER A SOKCHO de Koya Kamura

Une ville portuaire de Corée du sud, en hiver, où l’arrivée d’un touriste français vient raviver le questionnement d’une jeune femme face à ses origines. Un film doux et mélancolique, où on apprend qu’il n’est pas triste d’attendre et d’espérer.

HIVER A SOKCHO de Koya Kamura. France, 2024, 1h46. Avec Roshdy Zem, Bella Kim.

Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France

Premier long métrage d’un réalisateur franco-japonais, ce film évoque le métissage et les différences culturelles, déjà présentes dans le roman éponyme dont il s’inspire, d’Elisa Shua Dusapin (2015). Soo-ha est la fille d’une marchande de poissons. Dans le quartier, tout le monde la surnomme La Grande, à cause de sa haute taille dû à un père français, vite reparti dans son pays. Elle a fait des études à Séoul, où elle a appris le Français mais elle est revenue auprès de sa mère et d’un petit ami de longue date. Dans la pension de famille où elle travaille, arrive un artiste français, bourru et presque mal élevé, qui va réveiller en elle les nombreuses questions qu’elle se pose sur son père biologique.

Ponctué par des interludes de dessins animés, brossés à grands traits d’encre en mouvement, le scénario s’attache à Soo-ha et ses hésitations à l’entrée de l’âge adulte, les décisions à prendre face aux injonctions de son entourage : se marier, partir vivre ailleurs, se faire refaire le nez, les seins, arrêter de chipoter devant la nourriture. En arrière-plan, et comme pour souligner les contradictions de Soo-ha, c’est aussi un portrait de la société coréenne contemporaine en pleine mutation, où le recours à la chirurgie esthétique est très répandu, alors que les vêtements traditionnels sont de rigueur pour les fêtes, que la préparation des repas est très codifiée et que le pays souffre profondément de la déchirure d’une frontière hermétique qui a brisé de nombreuses familles.

L’arrivée du Français, un dessinateur romancier, aux manières brusques et peu soucieux de se plier à la politesse locale, va précipiter les décisions de la jeune femme, de façon parfois douloureuse mais sans doute salutaire. C’est à elle de choisir sa vie, son apparence physique, sa famille et d’accepter le mystère de toute vie. Comme en effaçant la buée d’une vitre, on y voit plus clair.

Porté par le déséquilibre entre la puissance corporelle et physique de Roshdy Zem et la douceur hésitante et longiligne de Bella Kim, Hiver à Sokcho a la grâce d’un flocon de neige, de ces moment qu’on sait éphémères mais dont le souvenir perdure longtemps. Dans le contraste de la lumière froide et hivernale des extérieurs ouverts vers la mer, et des intérieurs exigus centrés sur la préparation des repas, Soo-ha évolue en se cognant face à l’immensité de l’ailleurs comme aux minces parois des chambres traditionnelles.  »Je ne suis pas celui que vous cherchez » lui dira le Français, la libérant ainsi d’une quête impossible.

Magali Van Reeth

Article précédent

Latest

More articles