»C’est une histoire vraie de notre monde à destination de votre monde » : c’est en ces termes qu’a été présenté le premier film jordanien à la Semaine de la Critique et peut-être même à Cannes. Premier long métrage du réalisateur Amjad Al-Rasheed, dans lequel il est question d’histoires de femmes.
INCHALLAH UN FILS d’Amjad Al Rasheed. Jordanie/France/Arabie saoudite/Qatar, 2023, 1h53 Avec Mouna Hawa, Haitham Omari, Yumna Marwan, Salwa Nakkara. Festival de Cannes 2023, sélection Semaine de la critique.
Critique d’Anne Le Cor, SIGNIS France
Dans un pays où le patriarcat domine, l’homme toujours s’impose, soit par sa violence soit par son absence. Même pour garder sa maison, après un veuvage, mieux vaut avoir un fils plutôt qu’une fille. Pour l’héroïne du film, les ennuis s’accumulent à la mort de son mari. Et elle ne trouvera le salut que par l’entremise d’un autre homme.
Le rôle principal est sublimement tenu par Mouna Hawa. L’actrice palestinienne interprète Nawal avec force et gravité. C’est une femme qui se bat seule pour sa survie et celle de sa fille dans une société où l’héritage va au garçon, ou à défaut, à la famille du mari. C’est une femme moderne et autonome qui travaille et a participé financièrement à l’achat de l’appartement, mais sans documents officiels, sa situation est bien précaire. Face aux dettes de son défunt mari et aux injustices flagrantes d’une administration tatillonne jusqu’à l’absurdité envers les femmes, elle risque de tout perdre, ses biens chèrement acquis mais aussi et surtout la garde de sa fille Noura.
Les hommes qui gravitent autour d’elle ne sont guère brillants, entre le beau-frère qui veut récupérer la voiture, le frère qui réclame son dû après lui avoir prêté de l’argent et un collègue, amoureux transit, qui veut bien l’aider financièrement mais attend d’elle une attention particulière en retour. Quant aux femmes de la famille, elles semblent davantage préoccupées par la bonne réputation de Nawal et lui demandent sans compassion aucune de rentrer dans le rang et de se remarier au plus vite. Quand l’honneur se heurte au désir d’indépendance, le chemin est semé d’embûches pour Nawal qui vit une véritable descente aux enfers.
Dans sa forme, le film est de facture classique et assez lent. Sa force est dans le message qu’il porte. Il dénonce les lois en vigueur en Jordanie, et par extension, dans le monde arabe. Les religions sont aussi mises en question. Toutes les religions, l’islam comme le christianisme.
Amjad Al-Rasheed propose un cinéma social où les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées, comme l’avortement ou le harcèlement de rue, sont abordées sans fard. Très réaliste et centré sur la vie au quotidien de femmes jordaniennes, Inchallah un fils prend clairement leur parti et met en lumière leurs souffrances mais aussi leur force de résilience.
Anne Le Cor