Depuis les années 2000, il y a eu de nombreux films relatant le parcours des migrants, partis d’Asie ou d’Afrique dans l’espoir de rejoindre l’Europe. Matteo Garonne suit la route d’un jeune sénégalais mais plutôt que d’en faire une victime, il en fait un héros.
MOI CAPITAINE de Matteo Garone. Italie/France/Belgique, 2023, 2h04. Avec Seydou Sarr, Mustapha Fall, Issaka Sawadogo. Mostra de Venise 2023, lion d’argent et prix SIGNIS.
Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France
Seydou et son cousin Moussa, 15 ans et entourés d’une nombreuse famille, décident de partir en Europe pour y mener une carrière de musiciens à succès, bien évidemment. Seydou sait que sa mère s’y oppose fermement, elle lui rappelle les nombreux morts dans le désert ou en mer et lui ordonne de continuer »à respirer le même air » qu’elle. Rien n’y fait, le rêve est là et l’inconscience de l’adolescence qui pousse à se croire meilleur et invincible, une nuit, estimant qu’ils ont assez d’argent, les deux garçons partent.
Si Matteo Garonne n’élude en rien la difficulté du trajet, la cruauté des passeurs et des mafieux libyens, il tempère l’horreur de certaines scènes en les évoquant brièvement. Pour ces deux apprentis musiciens, la bande-son regorge de morceaux dont le dynamisme accompagne leur détermination. La route est terrible, jalonnée de rencontres, de drames, où les méchants sont nombreux mais où des mains secourables se tendent parfois. Le réalisateur n’hésite pas à introduire deux scènes aussi poétiques qu’oniriques, pour souligner les sentiments nouveaux éprouvés par l’adolescent.
Le film se termine à l’approche des côtes italiennes. On ne saura rien du sort des deux enfants et des nombreux passagers de ce petit bateau. Mais le visage de Seydou, où se dessine une joie mêlée de terreur, restera longtemps gravée dans la mémoire des spectateurs. Un héros des temps modernes est né, un homme qui a su rester droit, fidèle à son idéal mais surtout à ses amis. Un enfant devenu un homme, qui n’abandonne personne et qui a su trouver en lui la force de sauver cette part de l’humanité que Dieu ou le destin lui avait confié.
A la Mostra de Venise 2023 où le film était en compétition, le jury SIGNIS lui a décerné son prix, avec la motivation suivante : « Pour le portrait émouvant et chaleureux de Seydou, un adolescent sénégalais, qui entreprend le difficile et dangereux voyage des migrants à travers les déserts d’Afrique, à la recherche d’une vie meilleure. C’est un voyage vers la liberté et une prise de conscience qui illustre la transformation de Seydou. Il mûrit, sauvant d’autres personnes en cours de route, tout en conservant la pureté de son cœur. Le réalisateur Matteo Garrone raconte l’histoire avec un mélange de poésie, de réalisme et de fantaisie pour offrir une représentation puissante de la foi, de l’espoir et de l’amour humains ».
Les membres du jury étaient : Douglas Fahleson (Irlande, président), Sergio Perugini (Italie, secrétaire), Adriana Racasan (Roumanie), Peter Sheehan (Australie) et Massimo Giraldi (Italie).
Magali Van Reeth